mercredi 12 novembre 2014

Concevoir des simulations en formation, le storytelling


Concevoir des simulations en formation - 1ère partie : éléments généraux

Créé le lundi 6 octobre 2014  |  Mise à jour le mercredi 5 novembre 2014

Concevoir des simulations en formation - 1ère partie : éléments généraux
La scénarisation pédagogique ne cesse de s’enrichir d’approches diversifiées et novatrices. Ces innovations sont rendues possibles grâce au formidable essor des solutions et des applications informatiques et numériques qui élargissent l’éventail des démarches pédagogiques autant qu’elles les complexifient.
Images, sons, vidéos, animations, liens réseaux sociaux, … offrent d’infinies possibilités pédagogiques lors du travail de scénarisation. Ces ressources sont autant de facilitateurs d’apprentissage car elles offrent une interface favorisant l’attention et la mobilisation des apprenants.
Mais il ne s’agit pas de saupoudrer à l’envie une formation à distance de ces médias pour que l’engagement des apprenants soit assuré. En effet, il ne peut être efficient que si le choix des ressources est cohérent et s’inscrit de façon logique dans le scénario pédagogique. Plus encore, cette exigence devient cruciale lorsque la démarche pédagogique repose sur une série de phases nécessitant la participation immédiate de l’apprenant qui détermine par ses choix le résultat du processus proposé. C’est le cas des simulations.

La simulation place l’apprenant en situation quasi-réelle

Les simulations constituent une technique qui propose un parcours guidé basé sur des situations réelles permettant d’amplifier certains aspects d’un environnement et de pratiques (en lien avec le monde professionnel le plus souvent). Les apprenants sont donc plongés en situation « immersive », l’apprentissage reposant sur une implication directe des apprenants qui de par leurs choix conditionnent le résultat final. La simulation offre de nouveaux horizons car elle permet de maintenir l’apprenant impliqué dans son apprentissage, motivé de par le rôle qu’il joue dans la construction de son parcours et dans l’expérimentation qu’il peut tenter.
La simulation propose une palette d’actions d’une formidable richesse. Ainsi, à l’observation et à l’analyse viennent s’ajouter le ressenti et l’action. On comprend dès lors que la simulation soit intégrée dans les dispositifs de formation professionnelle qui requièrent des habiletés dans l’interprétation de situations managériales et d’environnement professionnels, notamment dans le cadre de conduite de projet.
Entreprise, armée, santé, aéronautique…sont des domaines qui depuis longtemps ont compris l’intérêt de proposer des situations issues du réel pour mieux former leurs équipes à anticiper et réagir face aux évènements, développer leurs compétences techniques tout comme les "soft skills".

La simulation développe l'engagement

L'engagement est un terme d'origine anglosaxonne qui s'approche des notions de motivation et d'implication. La dimension personnelle est fondamentale puisqu'à la motivation viennent s'ajouter l'action et le retour d'expérience. La simulation repose donc essentiellement sur la boucle de l'engagement : motiver, rendre actif, communiquer.
L'approche utilisée par la simulation est essentiellement constructiviste (Jean Piaget 1964) puisque c'est par une action d'exploration et de mise en pratique (virtuelle) que l'apprenant met en oeuvre son apprentissage. C'est donc par son action propre, par une suite d'étapes successives, par la construction de stuctures mentales logiques, qu'il est à même d'assimiler de nouvelles connaissances et de les appliquer à un environnement différent.

La simulation s’adapte au grain pédagogique

Il convient à ce stade de différencier simulation et jeux sérieux bien qu’il existe d’étroites similitudes. En effet, le « serious game » s’est aujourd’hui complexifié, (reprenant la trame usuelle du jeu vidéo) et propose une situation à multiples options et issues possibles, et permet en ce sens de développer des objectifs d’apprentissages multiples.
Il existe cependant certains points commun entre simulation et jeu sérieux.  Ainsi la situation proposée doit déboucher sur une solution (ou plusieurs), ne génère aucun gain (sinon celui d’apprendre), l’apprentissage se fait uniquement par le jeu et doit permettre à l’apprenant/joueur d’atteindre une habileté par une série de progression dans les connaissances, les concepts, les compétences ou les capacités (Sutton-Smith, 2001; Salen, 2003).
La simulation est davantage adaptée au grain pédagogique car il s’agit de mettre en pratique une compétence ou une capacité précisément identifiée dans la présentation du module alors que les jeux sérieux font aujourd'hui de plus en plus appel à plusieurs habiletés.
Cependant la simulation est elle-même plurielle. Les formes qu’elle adopte permettent une utilisation circonscrite à un seul module tout comme devenir le fil conducteur d’un parcours qui peut concerner l’ensemble de la formation. Sur ce point la simulation trouve sa place dans la granularité pédagogique et sa cohérence par rapport à l’ensemble du scénario pédagogique.

Les formes de la simulation

Selon leur degré de complexité, selon les domaines d’exploitation de l’apprentissage par simulation, on trouve de nombreuses typologies des simulations. Afin de simplifier la présentation, on peut se limiter dans un premier temps à utiliser le critère du degré de complexité d’interaction, on peut proposer la classification de Horton (2000):
  1. Les simulations uniques ou « one shot simulations", sont utilisées pour un apprentissage basé sur une activité identifiée. Elles sont largement guidées par un plan d’action et une solution unique. Les apprenants bénéficient de la possibilité de faire des erreurs, de les corriger en revenant en arrière et de reconsidérer à nouveau leur choix. 

    Cependant à la différence des tests l’erreur n’est pas sanctionnée par un score. Il s’agit d’amener l’apprenant à comprendre que son choix n’est pas opportun et à l’informer des conséquences attendues. L’apprenant corrigé donc de lui-même son choix tout en intégrant les raisons qui l’amènent à ce choix corrigé.
     
  2. L’apprentissage par l’exemple «Learn by example simulations » propose des situations où chaque détail peut avoir son importance pour la suite du parcours et la réalisation du résultat. A chaque étape, l’apprenant fait un choix qui l’oriente dans une voie. Cependant la construction du storytelling permet à un moment donnée de changer d’option et d’aboutir une des solutions attendues par le concepteur pédagogique. C’est parfois par des voies détournées que l’apprenant comprend les choix initiaux qu’il eu été utile de faire.
     
  3. Les microcosmes « microworlds »: ces simulations sont directement inspirées du réel et de la complexité des choix possibles. Ce type de simulation offre aux apprenants l’opportunité d’user de leur expérience et de leurs connaissances personnelles et professionnelles tout en développant leur capacité à tirer les leçons de leurs habitudes.
     
Ces éléments généraux permettent de comprendre les principes sur lesquels reposent les simulations pédagogiques : immersion, interactivité, engagement, ludification. Afin de rentrer dans la conception même d'une simulation intégrée à la formation, Thot cursus vous propose la semaine prochaine de vous familiariser à l'écriture du storytelling de la simulation.
2ème partie
Créé le dimanche 12 octobre 2014  |  Mise à jour le mercredi 12 novembre 2014hare on scoopitShare on pinterest_shareShare on linkedinShare on emailMore Sharing Services20
Concevoir des simulations en formation - 2ème partie : le storytelling
Stimulé par les histoires depuis son enfance, l’homme appréhende le monde grâce aux représentations mentales qu’il construit. L’histoire est donc la pierre fondatrice de la société des hommes, celle qui permet le passage et le partage des connaissances. C’est grâce au récit que l’homme comprend et structure sa propre pensée.
Le storytelling va plus loin que la seule narration car le storytelling s’inscrit dans le réel, propose un déroulé d’évènements en prise avec la réalité, suscite des choix autant qu’il provoque l’émotion. Les simulations utilisées dans le cadre d’une formation se doivent donc de reposer sur un storytelling efficace.

La dimension réelle, postulat de la simulation

Le storytelling dépasse le récit en construisant un univers autour même de l’apprenant. Le storytelling est la clé de voute de la simulation, le fil conducteur  d’une communication narrative engageant l’apprenant dans l’évènement, la prise de décisions voire la prise de risques et son engagement émotionnel. En ce sens le storytelling est un puissant vecteur de communication car il favorise l’action, une action qui n’est pas idéalisée mais bien en prise avec le réel et qui met l'apprenant au centre du dispositif.

La mobilisation des deux hémisphères cérébraux

La grande force du storytelling (et donc son point de critique pour ses détracteurs) est de lier analyse du message et émotions. Comprendre l'étroite coexistence des éléments est capitale car il s’agit d’utiliser et de mobiliser le cerveau gauche qui est affecté au raisonnement et le cerveau droit qui est dévolu à l’émotion. Cette action sur le cerveau assure ainsi l’engagement des apprenants.
Mais pour que le storytelling utilisé dans le cadre des simulations de formation puisse captiver, il se doit de suivre certains principes et démarches. Ainsi il nécessite un travail de réflexion et de conception autour du schéma narratif avant l’élaboration du canevas de ce dernier.

La conception du schéma narratif des simulations de formation en 4 étapes

Le schéma narratif du storytelling se décompose en plusieurs phases. Dans le cadre du schéma narratif traditionnel, cinq phases se suivent : 1. la situation initiale, 2. l’élément perturbateur, 3. les rebondissements, 4. la résolution et 5. le dénouement.
Dans le cadre de l’élaboration du schéma narratif utilisé pour une simulation de formation, il ne faut retenir que 4 phases : la situation initiale, l’élément perturbateur, les éléments de résolution et la situation finale. Les rebondissements sont volontairement supprimés afin d’éviter de perdre l’apprenant dans des circonvolutions qui ne servent en rien la formation et qui tendent à perdre de vue l’objectif d’apprentissage de la simulation.
  • la situation initiale
Cette partie comprend toutes les informations nécessaires à la compréhension de l’histoire. Il faut souligner le fait que la situation initiale n’est pas un catalogue exhaustif des éléments qui composent l’histoire. En effet, le risque majeur de communiquer dès cette phase tous les éléments nécessaires à la construction du récit, est de créer confusion et désintérêt de l’apprenant qui a tôt fait de connaitre l’intrigue. Il est donc nécessaire de ménager des zones d’ombres dont le personnage central qui est l’apprenant ne possède pas la cartographie. Comme dans tout récit, le héros ne sait pas ce à quoi il va devoir être confronté et des clés dont il disposera pour venir à bout de sa mission.
L’autre utilité de limiter les éléments dévoilés est purement pédagogique : il s’agit de guider l’apprenant. La construction de la situation initiale doit être pensée en corrélation avec la mise en image de la scène décrite de manière à permettre une progression de l’apprenant de façon logique. Si le nombre d’informations est trop grand alors il risque de perdre de vue le fil directeur de l’histoire que vous efforcez de construire. Plus encore, certaines données peuvent être sources de questionnements inutiles à ce stade de la simulation et orienter l’apprenant vers une appréhension  de la situation faute d’avoir acquis les habiletés nécessaires.
Attention enfin, l’écriture de la situation initiale nécessite de mettre en avant les éléments principaux, mais il faut aussi ménager une transition avec la phase suivante . De façon subtile, il s’agit de « faire sentir » une tension, un point de déséquilibre, une frustration qui prendra toute sa dimension lors de la réalisation de l’élément perturbateur.
 La situation initiale se borne donc à donner les éléments suivants :
- le cadre de l’histoire : une entreprise, une salle de réunion, une usine, une forêt,…
- le contexte : une entreprise A leader sur son marché, une salle de réunion à organiser, une usine comprenant une zone de colisage, une forêt près d’une zone de conflit
- Les personnages : le personnage principal (qui est l’apprenant), quelques collègues nécessaires au démarrage de l’histoire.
- le déséquilibre : une entreprise leader sur son marché mais suivie par la concurrence, une salle de réunion à organiser pour la gestion des personnels par la RH, la zone de colisage de l’usine qui est parfois ralentie, une forêt qui sert de base de retrait à des insurgés.
  • L’élément perturbateur
L’élément perturbateur est le point culminant du schéma narratif car il met en avant les enjeux qui se présentent au héros. Evoqué dans la présentation initiale le déséquilibre devient perturbateur et se pose en problématique centrale de la simulation, qui, posée sous forme de question, attend une réponse de la part de l’apprenant qui ne pourra la résoudre qu’en mobilisant ses habiletés et sa capacité à appréhender émotionnellement la situation.
L’élément perturbateur peut donc être formulé de la façon suivante si l’on reprend les exemples de la phase précédente :
Comment l’entreprise A leader sur un marché concurrentiel peut-elle dynamiser les ventes d’une gamme de produits en déclin ? ou comment organiser une salle de réunion RH pour résoudre des conflits entre supérieurs et subordonnés ? ou comment modifier l’organisation des flux sur la zone de colisage ? ou comment organiser la prise des zones est de la forêt pour barrer le repli d’insurgés ?
  • Les éléments de résolution
La résolution n’est pas la phase du déroulé narratif la plus simple à composer. En effet, il est nécessaire que les éléments clés proposés ne soient pas simplifiés à l’extrême car la solution finale risque d’être décontextualisé du réel. Or cette emprise avec la réalité est primordiale en matière de simulation. L’intérêt de la simulation est de permettre à l’apprenant d’envisager les diverses voies possibles et de définir la stratégie qu’il souhaite utiliser. Il est donc nécessaire que l’apprenant soit confronté à une situation où plusieurs solutions sont envisageables. La situation est dramatisée car le héros qu’est l’apprenant est confronté à des choix qui orienteront la suite de l’histoire et le dénouement.
Les éléments de résolution pourraient donc être pour l’exemple de l’entreprise confrontée à une baisse des ventes d’une gamme en déclin : Un nouveau packaging ? Une action promotionnelle, une campagne publicitaire ? L’abandon de la gamme ? Pour chacune des solutions envisageables, il est nécessaire que l’apprenant dispose d’un tableau de bord comprenant ressources, coûts et délais pour chacune des solutions. 
  • La situation finale
La situation finale permet à l’apprenant de visualiser la mise en œuvre opérationnelle de la décision prise. Le message final doit être positif et si le choix opéré par l’apprenant n’est pas le plus intéressant, il est inutile d'invalider définitivement son choix au risque qu'il abandonne la suite de la formation. Il est cependant utile de lui présenter les résultats de la solution qu’il était utile de retenir et de la justifier.

La démarche d’élaboration du canevas

Le storytelling d’une simulation de formation obéit à 4 grandes étapes mais la démarche d’écriture suppose de modifier leur ordre pour assurer  leur articulation logique. Ainsi, il est nécessaire de partir tout d’abord de la situation finale (donc des objectifs d’apprentissages visés) avant de déterminer les éléments de résolutions à retenir. Ensuite faut-il  s’intéresser à la problématique ? Il est préférable de reprendre la situation initiale car bien souvent la problématique ne peut être  cohérente que si la situation initiale est bien construite. De la même manière poser solution et éléments de résolution avant la situation initiale permet de donner un éclairage à l’écriture de cette dernière et de s’assurer que tous les éléments sont présents à ce stade. Yaël Gabison utilise cette même démarche pour construire ses présentations et propose à ce sujet un tableau récapitulatif de ce canevas dans son ouvrage "Boostez vos présentations avec le story-telling".
La semaine prochaine, Thot Cursus vous propose un focus sur le choix des personnages, des univers et des images qui donnent à la simulation toute sa force.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire