lundi 8 septembre 2014

Il faut sauver la formation professionnelle : 10 mesures d'urgence (2)

Alors que les pouvoirs publics s’interrogent et remettent en question la plupart des mesures et lois sociales prises au cours des deux dernières années (pénibilité, accord de sécurisation, apprentissage, temps partiels…) et que le chômage poursuive son inexorable crue, la formation et sa "réforme" semblent bizarrement oubliées dans ce nouveau droit d’inventaire.

La formation pourrait être déstabilisée dès 2015
En cette seconde partie de l’année 2014, à quelques mois de l’application officielle de la réforme de la formation, il faut se demander si notre pays s’est bien doté en février 2014 d’une législation de qualité pour moderniser et réformer sa formation. Ne s'agissait-il pas alors de faire de la communication sur le dialogue tout en donnant des gages sociaux à des partenaires peu enclins à voir régresser les droits des travailleurs.
La formation a-t-elle sérieusement été traitée dans de dossier ? On en doute avec la procédure d'urgence qui a amené en quelques jours à faire voter une loi devant "refonder" notre formation (pour 40 ans selon le ministre du Travail de l'époque).
Il y a pourtant urgence dans notre pays
- 22 % des adultes selon l’OCDE ont un niveau éducatif très faible, trop faible pour jouer un rôle effectif et de qualité au sein de l'économie de la connaissance et de l’information.
- Les Français les plus qualifiés à l’autre spectre de l’horizon professionnel sont bien moins nombreux que dans les autres grands pays de l’OCDE (8 % des travailleurs contre 12 % en moyenne en Europe) – Étude PIAAC d'octobre 2013. 

- Les salariés et travailleurs français sont encore les derniers (sur un total de 66 pays) pour la pratique de l’anglais au travail. La France est peut-être devenue un village gaulois renfermé sur lui-même.
Beaucoup d'entre nous sont incapables de communiquer avec d’autres cultures ou pays ou même comprendre les changements qui se déroulent dans le monde (ne parlons pas de nous expatrier pour vendre des produits ou des services à l’étranger !). 

- Les salariés français ne consacrent à leur formation (source INSEE 2010) en moyenne que 1 minute par jour et par personne (soit 6 heures par an !). 
Il en faudrait peut-être 30 fois plus.
Le Compte Personnel de Formation (CPF) est un phantasme technocratique et syndical
- La Loi du 5 mars prétend refonder la formation avec notamment un Compte Personnel de Formation (CPF) devant accompagner dans quelques mois 25 millions de travailleurs tout au long de leur vie professionnelle.
Quelques semaines donc avant le départ du CPF personne ne sait encore comment il fonctionnera, personne n’a vu son cahier des charges, personne n'a pu lire des décrets (impossible à écrire tant le dossier est complexe) ou ne connaît encore le budget de fonctionnement de ce méga système d’information.
On ne sait toujours pas comment 3 millions d’entreprises vont transférer à la Caisse des Dépôts le milliard d’heures de DIF (Droit Individuel à la Formation) que leurs salariés ont accumulé. Qui traitera les erreurs, les oublis, les réclamations ? Personne sans doute !
Les pouvoirs publics semblent avoir initié en France une nouvelle informatique, l’ informatique magique : on appuie sur un bouton et les systèmes d’information les plus sophistiqués sortent de nulle part sans problème, du fait de la seule volonté politique ("là où il y a une volonté, il y a un chemin").
Malheureusement, et chacun pourra constater rapidement, les choses sont plus complexes dans la vraie vie pratique et informatique, il ne suffit pas de proclamer qu’on fait simple pour que la simplicité et la qualité aillent de soi.
La double erreur du CPF : non seulement le CPF offrira (sauf miracle) pendant des années un fonctionnement erratique, mais il n'est en rien financé (dixit la CGT, la CG-PME et la plupart des OPCA).
1) Une mise en œuvre improvisée. Aucun cahier des charges, étude d'impact ou appel d'offres n'a été lancé avant de le confier à la Caisse des Dépôts (en infraction le droit européen de la concurrence).
2) Les 700 millions d’euros censés animer et financer le CPF ne représenteront que 3 % des fonds de la formation et ils sont déjà amputés de moitié (50 % des sommes collectées serviront au paiement des salaires).
40 000 nouveaux stagiaires donc alors que le DIF permettait à 600 000 salariés de se former
Avec la réforme de la formation, tel qu’elle a été votée en février 2014, chacun doit prendre conscience qu’au mieux (et pas avant de nombreuses années) 40 000 personnes auront la possibilité de se former sur des formations qualifiantes ou certifiantes.
On aura donc détruit le Droit Individuel à la Formation de 15 millions de salariés pour doubler tout juste le nombre de Congé individuel de formation (si les salariés acceptent de consacrer tous leurs congés pour se former, et ceci sans aucun dédommagement !).
Le tonneau des danaïdes de la formation ne sera jamais rempli
Si l’on admet que le CPF servira seul aux chômeurs et aux jeunes quittant le système éducatif sans aucune éducation, le CPF permettra donc de former 40 000 personnes alors que 150 000 jeunes quittent l’école sans rien et 250 000 nouveaux chômeurs sont comptabilisés tous les ans).
En résumé, la réforme actuelle de la formation et le CPF c'est :
- Un système inabouti et improvisé de comptabilisation de virtuelles heures de formation.
- Un système financé à hauteur de moins de 10 % des sommes nécessaires pour absorber les naufragés du savoir.
- La perte du capital DIF des salariés qui ne pourront sans doute jamais utiliser les heures capitalisées depuis 2004.
- Une déstabilisation de tous les acteurs de la formation (organismes de formation, OPCA, services formation des entreprises, DIRECCT…)
Comme en matière de pénibilité, de temps partiel ou de sécurisation, le compte n’y est pas et si comme on peut l'espérer, les pouvoirs publics ont enfin pris la mesure de l’état de détresse financière, sociale et éducative de notre pays, il est crucial de reporter la réforme de la formation.
Non seulement il faut reporter la mise en œuvre de cette réforme (et réécrire le texte dans le calme et la réflexion, loin des pressions des partenaires sociaux), mais il faudrait aller bien plus loin et prendre des mesures d'urgence pour l'éducation et la formation en France.

En savoir plus sur http://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-107985-il-faut-sauver-la-formation-professionnelle-1-1037508.php?BOXw9SmOzyC67BxJ.99

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Afin de mieux lutter contre le chômage, il est urgent que l'Etat prenne à bras-le-corps la question de la formation professionnelle et la réforme en profondeur.

Dix mesures pour la formation et l'éducation. "Pour ne plus faire semblant d'apprendre"...
Refonder l'école
1) Réformer en profondeur l’éducation nationale en augmentant le temps de présence des enseignants, en recrutant au moins 50 % d’entre eux dans le privé, en rapprochant réellement l’école de l’entreprise, en confiant la responsabilité de l’enseignement technique et professionnel aux fédérations professionnelles et en décentralisant les programmes, les recrutements et les équipes pédagogiques.
2) En repoussant l’école obligatoire à 6 ans pour transférer massivement les moyens des écoles maternelles vers l’enseignement primaire.
3) En abandonnant la carte scolaire ainsi que la césure entre enseignement privé et public. Les établissements doivent être mis en concurrence par les familles elles-mêmes dotées d’un chèque éducation.

Investir dans le capital humain

4) Obligation de formation annuelle d’au moins 10 % du temps travaillé (50 % sur le temps de travail et 50 % sur le temps libre des salariés).
5) Diminution des cotisations chômage pour toutes les entreprises développant durablement les compétences de leurs salariés.
6) Disparition de tout contrôle et formalisme dans la formation.

Employé : se former tout au long de sa vie

7) Formations réalisées sur les 35 heures (35 heures de travail + 5 heures de formation par semaine).
8) Prise en charge financière partielle des formations par les travailleurs (passage à une TVA réduite à 2,2 % et réduction d’impôts équivalente aux sommes dépensées en formation).
9) Doublement des cotisations et réduction des droits au chômage pour les travailleurs ne se formant pas (et n’obtenant pas une certification).
10) Versement sur le Compte Personnel de Formation d’une somme équivalente à 1000 euros par an et par travailleur (règlement par les employeurs, les salariés, les pouvoirs publics).

En savoir plus sur les Echos

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